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Bleu, jaune, orange rouge, mêlant leurs frontières ou bavant leurs dégradés vers des espaces vides ; nous avions, tout au long de nos déplacements, tout loisir pour observer un ciel livré à la fantaisie colorée des spectres ; et nous ne nous en privions pas. Nous parcourions les salles d’une galerie où des peintres géants avaient jeté sur la toile sombre du cosmos des coulées de gaz aux teintes lumineuses et multiples et aux formes imprévisibles dont les perpétuelles métamorphoses nous fascinaient.
C’est dans les bras de la spirale que nous sommes allés débusquer les étoiles jeunes à peine sorties de leur berceau rose d’hydrogène. Nous suivions leur respiration, suite de gonflements et de contractions qui les faisaient virer de l’azur au feu ; leurs étranges accouplements aussi, lorsqu’elles rapprochaient leurs corps bleus et brûlants de ceux de compagnes rouges et froides. Il y avait encore ces étoiles jeunes et massives, les plus fascinantes, les plus pressées aussi car, brûlant d’un coup leur énergie – cette énergie si précieuse que nos longues hibernations dans l’obscurité de notre nuage nous restituaient –, elles perdaient en durée de vie ce qu’elles dépensaient en lumière.
Nous observions de loin les supergéantes rouges entourées de leurs bulles opaques et épaisses de cinq années-lumière et soufflant vers les autres étoiles leurs vents de gaz. Nous les regardions longtemps avant qu’elles ne disparaissent de notre champ, car nous savions, qu’à notre prochain passage, elles ne seraient plus là.
Nous étions devenus des familiers d’un univers dont nous pénétrions peu à peu les grands secrets. Il nous offrait l’accueil silencieux de ses mondes animés en perpétuelle mutation. Et nous savions désormais qu’il abritait et nourrissait au plus profond de lui-même des êtres microscopiques dont l’existence était aussi merveilleuse que tous les spectacles joués sur le décor de son ciel.
(Extrait de Ultiméa, pages 86-87)